Vérité spéculaire

Qui es-tu ?

Qui es-tu réellement ?

Qu’est-ce que tu enfouies en toi ?

Que te caches-tu à toi-même ?


Je sais que ce n’est pas de ta faute. C’est l’âpreté du monde dans lequel tu vis qui t’y oblige. Personne ne s'oblitère d’une partie de soi-même, sans raison. Personne ne porte un masque d’apparat sur son visage, sans motif.


Tu vis dans un monde froid où chaque vérité est plaquée de façon à bien paraître. Une réalité gouvernée par des filtres et le besoin d’être liké. Où plus personne ne se parle sans avoir son cellulaire entre les mains. Cette société qui t’a appris plus rapidement à connecter tes appareils électroniques plutôt qu’à le faire avec ceux qui t’entourent.


Regarde toi dans le miroir, fixe l’image qui y apparaîtra. Tente tant bien que mal de soutenir ton regard. Tu n’y arriveras pas bien longtemps, tu auras peur de t’y apercevoir sans artifice. Au travers de ce miroir, tu verras ton visage ou, du moins, celui que tu as construit et que tu offres aux autres.


Le quotidien t’a inculqué que pour survivre il fallait repeindre par-dessus ton portrait. Au point que, maintenant, lorsque tu te regardes, tu ne sais plus où s’arrête la peinture du vrai. Tu ne te reconnais pas toujours. C’est un peu comme dévisager un inconnu, cet inconnu qui fait face à la vie à ta place.


Tu le sais bien qu’ils mentent tous pour survivre, qu’ils filtrent chaque vérité avant de l’offrir aux gens qu’ils croisent : inconnus ou, même, amis. Cependant, tu comprends : tu ne peux pas vraiment leur en tenir rancœur. À chacun sa raison, à chacun ses peurs, le silence et les mensonges cachent tellement de non-dits. 


Tu le sais qu’ils possèdent leurs excuses, que leur vécu justifie leurs actes. Que chacune de leurs paroles creuses renferme un double-fond qui cache une histoire sombre. Bien conscient de tout cela, tu entrevois ce qu’ils tentent de dissimuler.


Elle, elle se ferme, car la vie l’a trop souvent piétinée et qu’elle tente de survivre de la seule façon qu’elle connaisse : en rasant les murs. 

Lui, il n’arrive pas à dire ce qu’il ressent correctement, car ses épreuves lui coupent sèchement le souffle.

Eux, ils sont terrés dans cette relation malsaine, emprisonnés malgré l’atrophie d’un amour vétuste, couvrant cette crainte de la solitude et d’une potentielle fin de leurs plus beaux sourires artificiels.


Tu en reviens à ton reflet, cette image, ce double de toi. Tu le dévisages, tu te juges. Ce sourire trop parfait qui pue, qui te donne envie de gerber. Pourtant, tu ravales la bile que cette mascarade provoque chez toi. La plus pénible déglutition de ta vie, mais que tu crois nécessaire. Après tout, tu pilotes cette construction fictive de toi-même offrant parfois vérité, d’autres fois mensonge. Tu tentes de trouver chaque artifice qui te permettra de revenir en un morceau le soir venu. 


Ce reflet dans le miroir, tu l’haïs. Tu aurais envie de pilonner la glace de tes jointures et égrener ce mirage. Frappe, frappe, frappe, brise, casse, démolit cette façade truquée. Sauve-toi, cours ! Recroqueville-toi sous tes couvertures, s’il le faut. Hurle ton désarroi jusqu’à ce que tes poumons s’enflamment d’avoir trop longtemps crier. Tiens-toi debout pour t’opposer à ces demis-vérités, ces mensonges trouvant leur origine aux frontières de la véracité. Tu peux le faire, tu en es capable. 


As-tu déjà tenté d’être toi-même ?

As-tu déjà pensé arrêter les choses que tu fais seulement pour plaire aux autres ?

Te rends-tu compte que tu n’aimes pas ça ?

Ou, commencerais-tu à croire aux mensonges dont tu te sers comme subterfuges ?

Comment te sens-tu aujourd’hui ?

Et, maintenant, tente d’être honnête : comment vas-tu aujourd’hui ?


Cesse de refouler tes émotions, abandonne-toi à ces larmes que tu as si souvent retenues. Regarde-toi en face, ne détourne pas le regard. Exister renferme souffrance, amour, espoir, rires, risques, échecs, émerveillement. Consacre-toi pleinement à chaque seconde, en restant fidèle à toi-même. Autorise-toi la chute libre vers cette liberté jamais réclamée. Chaque épreuve t’a douloureusement façonné. Cesse de t’en cacher et arbore-les sans honte. 


Tente d’être loyal à ta propre personne contre vents et marées.
Consens, parfois, à t’arrêter de nouveau devant ce miroir et à revêtir ta vieille cape tissée de mensonges pour souffler un instant.

Et, rappelle-toi, qu’il n’est pas trop tard, tu as toute cette vie devant toi pour réparer celui que tu es réellement.